Wednesday, February 7, 2007












La mosaïque des guerres intestines

Deux semaines se sont écoulées et les Libanais continuent de vivre dans la hantise de ce qui s'est passé le jeudi 25 janvier. Ce jour-là, les têtes de l'hydre, maintes fois coupées par le passé, ont repoussé ! Elles ont envahi les boulevards et les avenues, elles se sont faufilées en se multipliant dans les quartiers, les ruelles et les cours d'immeubles.

Le 25 janvier, Beyrouth Ouest a vécu une journée de grande frénésie. C'était aussi une journée de "joie immense" pour une faune de désœuvrés qui attendaient impatiemment à en découdre avec le Chiite, le Sunnite ou le Druze d'en face afin de rééditer les exploits de leurs aînés dont ils connaissent par cœur les histoires "héroïques" et "fabuleuses" vécues dans le "bonheur" de la dernière guerre civile.

Les péripéties de cette folle journée et les témoignages des participants commencent enfin à s'étaler dans la presse. Les barricades spontanées qui ont poussé comme des champignons à chaque coin de rue, le contrôle des papiers d'identité, les questions subtilement formulées pour débusquer un "ennemi" qui chercherait à se dérober … Tout semblait préparé de longue date et ceux qui sont descendus dans la rue savaient parfaitement ce qu'ils avaient à faire et l'exécutaient avec grande minutie.

Cependant, ces nouveaux guerriers ont été confrontés à une difficulté que leurs aînés n'ont pas connue. Il était naguère facile d'établir des "lignes de démarcation" claires entre "zones chrétiennes" et "zones musulmanes". Aujourd'hui, la mosaïque des zones est autrement inextricable et l'ennemi est devenu le Chiite qui habite en face ou le Sunnite voisin de palier.

Reconnaître l'ami de l'ennemi dans cette mêlée relève de l'énigme indéchiffrable. Ainsi, un sunnite qui a le malheur de s'appeler Hassan et qui s'aventurerait dans la mêlée sans sa carte d'identité aura très peu de chances d'échapper à un filet druze ou sunnite.

Pour conjurer ces nouvelles guerres intestines, il ne sert à rien aux Libanais d'invoquer les dieux, de se prosterner en prière ou de caresser les talismans.

En s'abandonnant avec délectation à l'envoûtement des "complots" réels ou imaginaires et en lâchant la bride à la "bête immonde", nos glorieux chefs communautaires ont revêtu leur harnais de prince de guerre et sonné l'hallali pour conduire une nouvelle fois et dans une exaltation morbide les Libanais à l'abattoir.