Saturday, September 4, 2010














L’intime conviction et les preuves


Oublions pour un temps la morne platitude d’un Bellemare, la fadeur insurpassable d’un Brammertz, la certitude conquérante d’un Mehlis. Oublions aussi la sérénité ostentatoire d’un Assad, les folles craintes d’un Nasrallah, la danse des sept voiles d’un Joumblatt et les effusions dégoulinantes d’un Hariri. Concentrons nous plutôt sur ces quelques lignes:

« 61. La Mission considère que le gouvernement syrien est le premier responsable de la tension politique ayant précédé l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Le gouvernement syrien a explicitement exercé une influence qui va au-delà d’une relation de coopération ou de bon voisinage. Ce gouvernement s’est mêlé dans les moindres détails de la gouvernance au Liban, il a eu la main lourde et s’est montré inflexible, ce qui a conduit à la polarisation politique qui a suivi. Sans prévoir les résultats de l’enquête, il est évident que cette atmosphère a tissé la toile de fond qui a entraîné l’assassinat de Rafic Hariri. » *

Tout est là, la clé de l’assassinat, ses causes et son mobile. Peter Fitzgerald avait mis dans le mille. Ce à quoi l’enquêteur irlandais avait abouti en 2005 au terme d’un mois d’investigation reflétait une réalité vécue au jour le jour par les Libanais. Ses mots avaient donc la force de l’évidence. La Syrie, ses services de renseignements, ses alliés libanais sont les affiliés de la conjuration. L’expérience des Libanais avec la « main lourde » syrienne ne laissait guère de doute quant à l’identité des assassins. Leur conviction était faite, il ne restait plus qu’à confondre les conjurés.

Cinq ans après, les données du problème n’ont pas changé et malgré les hauts et les bas de l’enquête, les méthodes des enquêteurs, leur détermination ou leur laxisme, la conviction demeure. Le régime syrien peut se laisser bercer par l’illusion d’avoir écarté la menace et d’avoir tiré son épingle du jeu, mais la conviction demeure. Hassan Nasrallah peut s’égosiller jusqu’à l’étourdissement et nier toute implication dans l’assassinat, mais la conviction demeure. Tout le reste n’est que blabla et poudre aux yeux, les islamistes, les pèlerins « australiens », le groupe des treize et les Israéliens, les tractations, les petits arrangements et les manœuvres, les complots qu’on invente, qu’on se hâte d’enterrer pour mieux en inventer d’autres, les intimidations et les menaces ne sont que foutaises et pipes de bois.

Que l’on réussisse pour des raisons "hautement stratégiques" à travestir les données afin d’épargner la Syrie ou que l’on cherche plutôt à enfoncer le Hezbollah pour mieux atteindre l’Iran ne change strictement rien à l’affaire, les deux alliés sont au cœur de l’affaire et le resteront à jamais. La conviction des Libanais est bel et bien faite et elle ne bougera pas d’un iota.

Verrons-nous un jour les "preuves irréfutables" qui confondront les assassins ? Nul ne le sait, mais Hassan Nasrallah en est convaincu. C’est la raison pour laquelle il cherche par tous les moyens à éloigner l’épée de Damoclès qui menace sa légitimité. Mais son problème est insoluble et ses cris d’orfraie ne serviront pas à grand-chose. Il a beau dénigrer le Tribunal, mais il le craint par-dessus tout, il a beau accuser Israël, mais il ne convainc personne, il a beau dénoncer la « fitna » tout en la provoquant, mais il ne fait que s’enfoncer dans ses contradictions.

L'œil est dans la tombe et continue à regarder Hassan et Bachar.

* Extrait du rapport de Peter Fitzgerald sur les causes, les circonstances et les conséquences de l’assassinat de Rafic Hariri.