Friday, August 15, 2008












Nassib Lahoud et le "Kanaf" de l'État

Subitement et pendant quelques jours, un mot, un seul s'est projeté sur le devant de l'actualité envahissant presse, radios, télés et éclipsant d'un seul coup les assommantes antiennes des politiques et des journalistes. Aussi vite qu'il a surgi, il a disparu comme un nuage d'été. Aujourd'hui, plus personne ne parle de "Kanaf" au Liban et encore moins de l'État dont il est supposé être le sein ou le giron, selon les traductions.

Bon nombre de Libanais ont ainsi appris qu'ils disposaient d'un État (bonne nouvelle!), que celui-ci avait un Kanaf (belle surprise!) et qu'en plus (merveille des merveilles!) tout le monde pouvait douillettement s'y lover, à commencer par le Hezbollah, le parti centrifuge par excellence.

C'est Byzance au Liban ! Les Libanais auraient donc du jubiler, y compris ceux d'entre eux qui n'avaient jamais entendu parler de Kanaf et qui s'étaient spontanément demandé s'il ne s'agissait pas en fait de Kneffe, la fameuse pâtisserie dont ils se délectent parfois au petit-déjeuner !

Non, il ne s'agissait pas de Kneffe, mais bien de Kanaf, insista Nassib Lahoud, l'homme par qui, ou grâce auquel, le mot a été mis en circulation au cours des dernières tractations qui ont accompagné la rédaction de la déclaration ministérielle.

Ce que voulait l'homme dont on loue sans cesse la "probité" et la "gentillesse", c'était d'affirmer l'autorité de l'État et de ses institutions sur les pouvoirs du fait accompli. À la bonne heure ! L'intention était certes louable, mais ô combien présomptueuse et naïve. Nassib Lahoud faisait semblant d'ignorer que ses amis indépendantistes avaient préalablement et gracieusement accordé au parti khomeyniste la minorité de blocage au gouvernement et que par conséquent il n'y avait plus lieu de lui imposer quoi que ce soit. C'est la raison pour laquelle ces mêmes amis avaient fini par lui conseiller de faire de mauvaise fortune bon cœur !

Mais Nassib Lahoud n'était pas aussi naïf qu'il n'y paraissait. Les quelques jours pendant lesquels il réclamait mordicus que la mention "au sein de l’État" (le fameux Kanaf Ad-Dawla) soit incluse dans la déclaration ministérielle, lui ont permis de faire accroire qu'il était le dernier à défendre la primauté de l'État au milieu de la débandade générale.

Jouer ainsi au "Dernier des Mohicans" indépendantistes, alors qu'il savait que le dernier mot reviendrait forcément au Hezbollah, n'était en fin de compte qu'une tentative de jeter la poudre aux yeux avant de rentrer docilement dans le rang. Car à aucun moment, il n'a donné l'impression qu'il mettait en jeu le "précieux" portefeuille qui lui avait été proposé. Avec ou sans Kanaf, comment pouvait-il, en effet, refuser une manne qui tombait à un moment si opportun ? L'enjeu pour Nassib Lahoud était bien entendu ailleurs, il lorgnait les prochaines élections. Et justement, un peu d'esbroufe ne pouvait que lui être bénéfique dans une bataille qui s'annonce déjà serrée.

La politique est l'art du possible, répètent à l'envi ceux qui ont signé leur reddition à Doha. Ils oublient vite que grâce à leur inanité, le possible dont ils parlent n'existe même plus ! A-t-il, d'ailleurs, jamais existé dans leurs têtes ?