Wednesday, December 20, 2006
















Michel la boulange

De l'obsession compulsive au populisme aveugle

En lui collant le sobriquet de Tsunami, quelques heures avant son arrivée au Liban après quinze ans d'exil, Walid Joumblatt ne pouvait probablement pas prévoir l'étendue des ravages qui seront provoqués par celui qui allait devenir en moins d'un an l'un des principaux pourfendeurs de l'aggiornamento post-syrien du Liban.

Depuis cette date, les Libanais assistent médusés à la transformation frénétique et spectaculaire de l'un des plus farouches adversaires du "régime de tutelle", en allié objectif de ce régime et en marionnette consentante entre les mains de son principal féal libanais. Toutes les analyses ont été tentées, y compris l'analyse freudienne, pour résoudre l'énigme qui a poussé Michel Aoun à dégringoler du podium sur lequel il pouvait continuer à caresser ses lauriers de précurseur jusqu'au marigot à crocodiles où il est en train de patauger.

Depuis qu'il a goûté au fauteuil présidentiel, le Général semble rongé par une fixation maladive: recouvrer le poste dont il a été chassé par son ancien ennemi juré. Incontestablement, les pathologies non soignées restent ancrées pour la vie. Quinze ans à ronger son frein et puis, subitement, un coup de théâtre ! Les troupes syriennes se retirent, mais au prix d'un drame national et par la seule volonté des grandes puissances. Le Général, fermement convaincu d'y avoir fortement contribué, commence à se frotter les mains, son rêve doit enfin pouvoir s'accomplir. Il s'y voyait déjà.

Deuxième coup de théâtre ! voilà que ses "compagnons de lutte" et ses adversaires, fraîchement convertis au souverainisme, lui contestent la primauté de l'acte libérateur et se mettent à vouloir lui barrer la route. Qu'à cela ne tienne ! les fixations maladives parviennent toujours à se frayer des chemins de traverse. Le Général va se jeter, armes et bagages, dans les bras de l'ancien ennemi. L'illustre Henri IV s'est bien converti au catholicisme pour accéder au trône de France, alors, Baabda vaut bien une messe, n'est-ce pas ? et puis, quelle belle revanche que de s'y faire introniser par le même ennemi qui l'en avait chassé auparavant.

L'homme est ambitieux. Pourquoi donc le Landerneau politique libanais s'agite tant ? Et puis, quoi de plus "naturel" qu'un homme politique soit ambitieux ? De tout temps et en tout lieu, l'ambition a été le premier ressort qui permet aux politiques d'escalader les marches du pouvoir. Le problème est que l'ambition de notre Général prend toutes les allures de l'obsession compulsive et eu égard à son passé, il n'est pas sûr qu'il puisse conduire vers le salut escompté un pays qui repose depuis sa fondation sur des équilibres métastables.

Frappé d'ostracisme par la coalition du 14 mars et par les grandes puissances qui jugent d'un mauvais œil son retournement spectaculaire, le "petit caudillo" des classes moyennes chrétiennes a réussi à gagner motu proprio le soutien d'une grande partie de sa communauté toujours à l'affût d'un sauveur qu'elle croit capable de défendre ses intérêts.

Les autres fractions, qui nourrissent leurs propres phobies, se conduisent avec le même instinct de survie et cherchent à neutraliser, autant que faire se peut, celui qui menacerait de leur arracher leur part du gâteau.

Depuis son retour "triomphal", il a essayé tous les stratagèmes en s'effeuillant tour à tour de tous les voiles de la décence dont le drapait son prétendu "patriotisme irréductible". Rien n'y a fait, même l'entente avec le Hezbollah vers lequel il s'est dirigé contraint et forcé. Ce dernier l'a accueilli à bras ouverts ne pouvant espérer meilleur "dindon" pour couvrir sa marche progressive vers le contrôle des leviers du pouvoir afin de mieux protéger son arsenal "sacré".

Le Général est primesautier et rien ne l'empêchera un jour de retourner une nouvelle fois sa veste. Aussi, le "Parti de Dieu" ne s'aventurera jamais à en faire son candidat officiel pour la présidence, sinon pour mieux l'en éloigner. C'est ce qui le rend de plus en plus fébrile, réalisant un peu tardivement l'inanité de son pari imbécile. D'où son recours à une botte qu'il croit secrète: le populisme. Être De Gaulle n'étant plus possible, alors pourquoi ne pas essayer Perón ?

En bon élève qui a appris sa leçon, Michel la boulange est en train de nous servir tous les poncifs du genre à peine retouchés. Qu'on en juge:

Le populisme dit que l'élite ou des petits groupes d'intérêt de la société trahissent les intérêts de la plus grande partie de la population, et qu'il y aurait donc lieu de retirer l'appareil d'État des mains de cette élite égoïste voire criminelle pour le « mettre au service du peuple ». Afin de remédier à cette situation, l'apprenti fasciste propose des solutions simplistes qui sont présentées comme applicables tout de suite et émanant d'une opinion publique présentée comme monolithique.

Les populistes critiquent généralement les milieux d'argent ou une minorité quelconque accusée d'avoir accaparé le pouvoir. Ils leur opposent une majorité postulée, qu'ils courtisent. L'appel au peuple supposerait que la vérité découlerait de l'assentiment populaire remporté grâce à un appel émotionnel, mais il incarne une corruption idéologique de la démocratie, en révèle les dysfonctionnements et exprime une exigence de participation populaire sous le mode fusionnel d'un communautarisme national ou identitaire.

La transformation rampante du centre ville de Beyrouth en une nouvelle "Dahieh", l'apparition des galettes au thym pour nourrir les "pauvres" sur les lieux réservés aux "riches" et la veillée sous les tentes des "enfants de Spartacus" rêvant de "grand soir" dans les volutes des narguilés nous offrent un panorama saisissant de la première contribution libanaise au fascisme de masse.