Sunday, March 27, 2011






















Champagne, ils ont enfin osé !

48 ans. Cela dure depuis 1963, autant dire une éternité. Une dictature qui a pesé comme une malédiction sur des générations entières de Syriens. Une dictature qui a érigé le terrorisme d'Etat au rang de dogme et qui l'a pratiqué avec un acharnement proche de la délectation. Une dictature créée et entretenue par une famille dont la sauvagerie répressive à l'intérieur n'a d'égal que sa barbarie à l'extérieur. La famille Assad règne sur les destinées de la Syrie depuis un demi siècle. Sa résilience s'explique d'abord par la terreur, mais aussi grâce au soutien et à la lâcheté des démocraties occidentales, toujours promptes à fermer l'œil même lorsque leurs propres intérêts sont en jeu.

Ces décennies de malheur, les Syriens les ont vécues comme une fatalité. Humiliés depuis la naissance, ils ont appris à cultiver leur peur et se sont emmurés dans leur mutisme, comme s'ils avaient opté par atavisme pour une servitude volontaire à laquelle ils s'accrochaient comme à un rempart contre le malheur. Les rares courageux qui avaient osé défier le tyran ont fini dans le secret des cachots.

"Mais en conscience, n'est-ce pas un extrême malheur que d'être assujetti à un maître de la bonté duquel on ne peut jamais être assuré et qui a toujours le pouvoir d'être méchant quand il le voudra?".

En 1548, Etienne de la Boétie posait dans son Contr'Un la question suivante: "Quel malheureux vice a donc pu tellement dénaturer l'homme, seul vraiment né pour vivre libre, jusqu'à lui faire perdre souvenance de son premier état et le désir même de le reprendre ?".

Près de 460 ans plus tard, l'énigme de l'origine et de la permanence de la servitude volontaire, n'est toujours pas résolue. Et pourtant, Etienne de la Boétie avait esquissé un début de réponse: "car pour que les hommes, tant qu'il reste en eux vestige d'homme, se laissent assujettir, il faut de deux chose l'une, ou qu'ils soient contraints ou qu'ils soient abusés".

Les Syriens étaient à la fois contraints et abusés. Contraints par une terreur sans nom et abusés par un arabisme de pacotille. Mais avec les soulèvements qui ont commencé à éclore un peu partout comme des grains de maïs soufflés, cet "extrême malheur d'être assujetti" n'a plus lieu d'être et les Syriens ont commencé depuis Deraa (la glorieuse) à suivre le chemin déjà balisé par les Tunisiens, les Egyptiens, les Libyens et autres Yéménites, Bahreinis et Jordaniens.

Il serait de la dernière idiotie de se lancer dans des prédictions oiseuses. Il faut juste admirer les premiers pas des Syriens vers la liberté et applaudir. Le mur de la peur a volé en éclats et rien ne sera plus comme avant. Comme leurs "frères" arabes, les Syriens ont fini par vouloir et quand on veut, on peut et quand on peut on doit.

Les Syriens ont enfin osé ! Sonnez trompettes, battez tambours, organisons la farandole, l'avenir s'ouvre devant nous et pour l'éternité.