Monday, December 8, 2008















Dol, imposture et bien plus si affinités


Ouf, c'est fait et au diable les jaloux et les importuns. Après trois années et demie de fiançailles contractées en secret (seul Polichinelle était dans la confidence), le mariage est enfin consommé, à son de trompe et au vu et au su de tout le monde. Finies les amours clandestines, c'est au grand jour que les deux tourtereaux entendent désormais vivre leur passion. Le tyran est aux anges, le Général jubile. Pour Michel, la Syrie a désormais les yeux de Bachar !

L'idylle a commencé en mai 2005. Le dictateur, bouté hors du Liban, honni et vilipendé par une grande majorité de Libanais, ruminait déjà sa vengeance. M le maudit, banni par le père dudit dictateur, trépignait d'impatience pour rentrer au pays. Les conditions d'un "deal" étaient donc réunies. Le premier avait tout à gagner, le second tout à perdre, mais le Général était rongé par une fixation maladive. Baabda valait bien une messe et Michel Aoun était prêt à tous les travestissements pour y accéder, même s'il lui fallait devenir le principal pourfendeur de l'aggiornamento post-syrien au Liban et se transformer en porte-voix du dictateur. Tout le monde connaît la suite. Les pièces du puzzle se mettent enfin en place et les conspirateurs d'hier peuvent désormais se passer de masque pour révéler leur brigue.

Tout vient à point à qui sait attendre. Trois ans de fureur et de sang ont été nécessaires au dictateur pour inverser le cours du temps. La reconquête du terrain perdu a été laborieuse, mais à force d'intimidation et d'assassinats, elle est aujourd'hui avérée et ledit dictateur a mille et une raisons de se réjouir.

Une première victoire d'étape a été remportée à Doha où l'infamie de la capitulation a succédé à la folle débandade des boy-scouts du 14 mars. Le laxisme arabe, la crétinerie de Sarkozy et les coups de boutoir du Hezbollah se sont conjugués pour briser l'ostracisme dont il était frappé. L'antichambre de son palais ne désemplit plus, les grands et les petits s'y bousculent et c'est avec une grande confiance qu'il entame aujourd'hui les préparatifs de la "mère de toutes les batailles" qui va lui permettre, c'est du moins ce qu'il espère, de donner l'estocade finale à ses adversaires meurtris.


Entre-temps, Michel Aoun n'a pas chômé. En prévision du mariage solennel, une longue période probatoire était nécessaire. Il lui fallait impérativement parcourir une carte de "Tendre" spécialement confectionnée pour lui par le dictateur. Il avait l'inclination, il devait gagner l'estime avant de jouir de la reconnaissance (Cf. Madeleine de Scudéry pour la fameuse carte et pour le parcours qui va de Nouvelle-Amitié à Tendre).

En disculpant la Syrie de tous ses crimes au Liban, en attaquant ouvertement les sunnites convertis au souverainisme, en stigmatisant l'Arabie Saoudite, en affirmant que l’Iran "œuvre en faveur de l’unité du Liban" et en appelant à réviser l'accord de Taëf, il surmontait avec succès toutes les embûches qui jalonnaient son parcours initiatique. Le dictateur ne pouvait qu'être ému aux larmes en écoutant d'aussi belles sérénades. Tant de dévouement et de sollicitude méritait récompense et quelle récompense. L'amoureux transi est élevé au rang d'allié "stratégique" d'une Syrie à jamais reconnaissante.

Tapis rouge pour "Siyadat el-Général" et traitement de faveur à faire pâlir d'envie tous les affidés présents, passés et à venir.


Le roi des animaux se mit un jour en tête
De giboyer: il célébrait sa fête.

Pour réussir dans cette affaire,
Il se servit du ministère
De l'âne à la voix de Stentor.
Michel à Messer Lion fit office de cor.
Bachar le posta, le couvrit de ramée,
Lui commanda de braire, assuré qu'à ce son
Les moins intimidés fuiraient de leur maison.

Tous fuyaient, tous tombaient au piège inévitable
Où les attendait le Lion.
" N'ai-je pas bien servi dans cette occasion ?
Dit Michel en se donnant tout l'honneur de la chasse.
- Oui, reprit Bachar, c'est bravement crié:
Si je ne connaissais ta personne et ta race,
J'en serais moi-même effrayé."
Michel, s'il eût osé, se fut mis en colère,
Encor qu'on le raillât avec juste raison ;
Car qui pourrait souffrir un âne fanfaron ?
Ce n'est pas là leur caractère.
(Jean de La Fontaine, mais avec beaucoup de liberté)