Sunday, February 20, 2011





















Les fixations d'un Général rodomont

Il fait partie de ces hargneux qui en veulent à tout ce qui existe d'exister. C'est sa nature, diront certains. Peut-être, il y en a qui sont teigneux dès la petite enfance, mais ce qui nous intéresse plutôt, c'est le rôle de composition qu'il s'est construit pour appréhender le jeu politique.

C'est lorsqu'il se retrouve derrière une haie de micros que Michel Aoun apparaît dans toute sa plénitude. Dès les premiers mots, on voit poindre en lui un harassement qui le fait passer de l'inquiétude à l'abasourdissement complet. Sa voix sort par courtes giclées comme pour pilonner l'entendement de ses habitués. Ceux-ci, alignés en petits rangs, l'écoutent avec une attention recueillie mâchonner ses griefs, en retenant des filets de bave admirative, pendant qu'il alterne rictus et demi-sourire aux lèvres. C'est à ce moment là que l'image se brouille et l'on ne sait plus vraiment s'il s'agit de sa complexion naturelle ou, si pour se donner de l'assurance, il adopte une mine hostile et renfrognée qui vous regarde avec cet œil impropre au pardon du corbeau baisé par le renard.

Bien évidemment, le Général se croit tête pensante, une tête qui pense tellement qu'on a envie de lui conseiller le port d'une minerve, tant on la devine lourde et capable, dans une brusque embardée, de briser la tige qui la porte.

Les jours passent, mais le Général rodomont ne s'assagit jamais, toujours à cultiver ses rancœurs et ses inimitiés, à se battre contre des moulins à vent et à essayer de se saisir de l'insaisissable. Pour notre grand bonheur d'ailleurs, car quel autre clown serait capable de varier les facéties dans la constance et de multiplier les bravades dans la continuité. Ses sautes d'humeur et ses diatribes, ses tics nerveux et ses fanfaronnades, son ego hypertrophié et ses petits sourires furtifs, la panoplie est inépuisable.

Mais son agitation aujourd'hui trouve sa source dans des desseins plus obscurs et longtemps restés inassouvis. Michel Aoun est persuadé que les conditions sont réunies pour voir enfin de concrétiser un rêve qui ne cesse de le tarauder comme un ulcère jamais cicatrisé.

Le nombre exorbitant de ministres qu'il exige pour son bloc et les attaques ad hominem contre Michel Sleimane, n'ont strictement rien à voir avec la formation du nouveau gouvernement. Michel Aoun regarde plus loin et voit enfin l'horizon s'ouvrir devant lui. La majorité a changé de camp et il voit déjà le tapis rouge se dérouler à ses pieds avec le graal de Baabda en perspective. D'où son insistance à arracher dès aujourd'hui la moindre parcelle de pouvoir au Président de la République. En déblayant ainsi le terrain et en déniant toute représentativité à Michel Sleimane, il augmente la sienne propre pour pouvoir prétendre le jour venu être le seul détenteur de la légitimité maronite.

La Présidence de la République lui avait échappé en 2008. La faute en incombait moins à ses ennemis qu'à ses amis. Hassan Nasrallah l'avait poignardé dans le dos en lui préférant un obscur Général "consensuel" malgré tous les sacrifices qu'il avait consentis pour lui assurer la couverture chrétienne dont il rêvait. Cette fois, Michel Aoun ne se laissera pas faire.

L'âge avance, la sénilité guette, mais il n'en a cure, il lui faut absolument ce trône tant convoité. Et pourtant, s'il regardait au-delà du bout de son nez, il verrait comment les grabataires arabes abandonnent leur trône dans la précipitation. Mais notre Général est une vraie tête de mule. Une tête de mule sans émule.

Ave Michel, les grabataires te saluent.