Wednesday, July 1, 2009














Le caméléon dans ses (basses) œuvres

Quand on aura tout dit de ses "antennes" extrasensibles qui lui permettent de détecter les variations du temps et les orages, de son souci constant de "préserver" sa communauté, de ses excès et de sa folle témérité, il restera beaucoup à dire de Walid Joumblatt et de son don d'ubiquité qui lui permet d'appartenir à un camp tout en se trouvant dans le camp adverse.

Dans le microcosme politique libanais, le chef druze est le champion toutes catégories de la voltige et du double axel périlleux. Avec lui, point de figures imposées et quand il se lance, il le fait sans filet de secours. Lorsqu'il bat en retraite, il le fait presque toujours en invoquant les mêmes fantômes qu'il s'était dépêché d'enterrer au moment où il se sentait victorieux. Il lui suffit pour cela de ressortir les "constantes" dont nul ne pourra contester la validité. Il en va ainsi de la "cause arabe" et de son corollaire obligé, l'incontournable cause palestinienne. Il en use et en abuse au gré de ses retournements. Walid Joumblatt n'a pas l'habitude, n'est-ce pas, de "laisser tomber son histoire et son héritage".

Étrangement et malgré la victoire du camp auquel il appartient en théorie, le chef druze se comporte comme s'il avait lui-même perdu. N'avait-il pas déjà intériorisé la défaite et entamé son "repositionnement" avant même que la bataille ne commence. Pour lui, le recul stratégique était devenu nécessaire après la défaite du 7 mai. Il lui fallait donc se plier au "principe de réalité" et admettre que la donne avait définitivement changé.

Mais la peur panique dans laquelle il se morfond depuis cette date lui a fait tout simplement perdre la boussole. En jouant l'apaisement à outrance et en adoptant le mimétisme du caméléon, il semble persuadé qu'il serait mieux à même de "protéger" sa communauté et de conjurer les dangers qu'elle pourrait encourir en cas de confrontation ouverte avec le parti chiite armé. Admettons et compatissons volontiers avec la paranoïa naissante du chef druze, mais pourquoi diable doit-il se sentir contraint de s'aplatir davantage devant le parti khomeyniste alors que sa coalition vient de sortir victorieuse des élections ? Au lieu de profiter de cette victoire pour tenir tête à Hassan Nasrallah et conforter ainsi la position de ses alliés, le voilà qui s'enfonce davantage dans sa panique et sème le trouble dans l'esprit de ses partisans. Pourtant, il sait mieux que quiconque qu'en épousant les vues de ses adversaires et en multipliant les actes d'allégeance, il ne pourra jamais les amener à résipiscence.

Non, Walid bey, votre communauté n'est pas menacée et ce n'est pas en pliant l'échine que vous réussirez le mieux à conjurer votre paranoïa communautaire. Non, Monsieur Joumblatt, ce n'est pas en dorlotant Nabih Berri que vous empêcherez ses miliciens de sévir à répétition dans les quartiers de la ville. Non, Monsieur Joumblatt, ce n'est pas en jouant l'apaisement à outrance que vous changerez la nature totalitaire de la milice khomeyniste libanaise. Non, Walid bey, ce n'est pas en reniant vos convictions que vous servirez le mieux la cause du "Liban arabe" dont vous vous gargarisez aujourd'hui.

Honte à vous, Walid bey, de piétiner comme vous le faites la mémoire des martyrs de la nouvelle indépendance. Le pragmatisme en politique ne signifie pas lâcheté et le courage, tout le courage, est de tenir bon et de ne pas changer de cause comme on change de chaussettes !

Le Liban d'abord, le Liban en premier. Parfaitement, Monsieur Joumblatt, et n'en déplaise à votre seigneurie de pacotille, ce slogan qui a l'air de vous faire honte aujourd'hui reste plus que jamais d'actualité. Il est même le seul qui vaille la peine d'être scandé par les Libanais. Et si cela ne vous plaît pas, vous pouvez aller vous faire cuire un œuf chez Hassan le cloîtré en attendant de pouvoir aller à Canossa, la tête baissée, mendier les faveurs de votre ex-futur ami le dictateur.