Friday, April 1, 2011






















Les hâbleries d'un Syrial killer

Avec un peu de fantaisie et une bonne dose de délire, on peut facilement imaginer un âne exécuter un entrechat à six battements, une écrevisse siffler dans la montagne, ou un cochon se lancer dans un triple axel périlleux. Dans une époque où tout doit faire sens, divaguer est un luxe précieux, mais qui peut conduire certains à des rêves aussi stupides et farfelus que celui de voir un jour un tyran muer sous nos yeux ébahis en un réformiste, voire en un démocrate libéral.

Seuls les imbéciles avaient parié un jour sur les velléités réformatrices de Bachar El-Assad. En 2005, les Libanais massivement rassemblés, lors d'un sursaut national et éphémère, avaient justement dénoncé le Syrial Killer. Ils résumaient ainsi avec une rare éloquence la nature profonde d'un régime dont ils avaient subi les sévices pendant près de trente ans. Mais ce qu'ils avaient subi n'était qu'un échantillon de ce que vivent les Syriens depuis près d'un demi siècle.

L'ophtalmologue, et néanmoins dictateur, est bien le digne héritier de son père. Il continue à croire que la politique répressive qui avait tant réussi par le passé était toujours payante et qu'il n'était nullement besoin de changer une méthode qui gagne. Loin de profiter des multiples ouvertures qui lui ont été faites et des conseils prodigués par ses amis d'hier et d'aujourd'hui, il continue à s'enfoncer dans une politique de l'extrême, fermement persuadé que les cartes dont il dispose feront toujours plier ses adversaires. Le drame, tout le drame, c'est qu'il n'a pas tort, surtout lorsqu'il se retrouve conforté dans ses méfaits par les déclarations aussi stupides que criminelles d'une Hillary Clinton:

"Ce qui s'est passé ces dernières semaines (en Syrie) est très inquiétant", et l'usage de la force par les forces syriennes est allé "bien au-delà" de ce que les Etats-Unis auraient souhaité: "Mais il y a une différence entre faire appel à son aviation pour mitrailler et bombarder sans distinction ses propres villes et des actions de police", a-t-elle déclaré.

Lorsqu'il entend la secrétaire d'état américaine lui décerner un aussi beau satisfecit, pourquoi voulez-vous que le tyran se sente en quoi que ce soit menacé. Bachar peut continuer impunément à écraser son peuple, à noyer dans le sang les révoltes embryonnaires et à renvoyer à la saint-glinglin des réformes supposément actées depuis des années.

Ainsi rasséréné, il pouvait gaiement se présenter devant son assemblée, transformée pour l'occasion en une ménagerie où les "dignes députés", tels des animaux apprivoisés, rivalisaient de servilité et de courbettes et n'hésitaient pas à japper allègrement à chacune de ses boutades. Son argument majeur, un lapin à la peau flasque et flétrie dont il se sert depuis toujours. Car à quoi bon innover, on n'a jamais inventé mieux que la théorie du complot pour mieux étouffer les libertés, continuer à prôner l'immobilisme au nom de la stabilité et remettre sine die les réformes les plus élémentaires.

Après son lâchage honteux et criminel par les puissances occidentales, le peuple syrien se retrouve seul à affronter de ses mains nues le hachoir du tyran. Mais le jasmin vient juste d'éclore à Damas. Il revient au peuple syrien de prouver que sa révolution n'est pas mort-née et qu'elle vibrera encore au diapason du printemps arabe.