Saturday, April 24, 2010




















De vaines, de folles chimères

Qui n’a pas rêvé un jour d’un Liban débarrassé du confessionnalisme ? Le mal est cerné depuis longtemps, la solution dans ses grandes lignes, aussi, sauf que personne n’a jamais su répondre concrètement à la seule question qui ait un sens, à savoir, comment aller de l’un vers l’autre, du problème vers la solution. Et pourtant, la détermination ne manque pas, car quand ils sont interrogés sur l’abolition du confessionnalisme, les Libanais répondent favorablement à 58% (lire ici les résultats du sondage réalisé en janvier 2010 par Information International). En somme, le problème a été et demeure avant tout un problème d'itinéraire (ou de cheminement) : si le point de départ A et le point d’arrivée B sont connus, le chemin qui mène de A à B demeure incertain.

Ce dimanche, des citoyens libanais se rassembleront dans les rues de Beyrouth pour manifester leur soutien à la laïcité. Nul ne sait combien ils seront, mais le beau temps aidant, on peut escompter une belle présence ne serait-ce que parce que les Libanais n’ont jamais rechigné à brandir des banderoles, ni à chanter à tue-tête des slogans. Soit, mais chanter quoi et pour faire parvenir quel message ? Car s’il est une question fortement controversée au Liban, c’est bien celle de la laïcité sur la définition et le contenu de laquelle les Libanais ne cessent de s’étriper.

La laïcité signifie-t-elle le démantèlement du système confessionnel qui répartit le pouvoir entre communautés religieuses ? Est-ce qu’elle consiste en une séparation entre l’Eglise-Mosquée et l’Etat ? Cherche-t-elle seulement à établir un statut "civil" du citoyen sur les questions du mariage et du droit successoral sans qu’interfèrent les muftis, les évêques et autres mollahs ?

Quid de la politique ? Jusqu’à quand le Liban sera-t-il obligé d’avoir un Président maronite, un Premier Ministre sunnite et un Président du Parlement chiite ? La répartition des sièges à égalité entre musulmans et chrétiens restera-t-elle toujours d’actualité si l’on tient compte de l’évolution démographique galopante chez les uns et déclinante chez les autres ? C’est là le cœur du problème et ce problème restera insoluble tant qu'on ne viendra pas à bout de la peur panique qui saisit chaque communauté lorsqu’elle se sent menacée de perdre ses prérogatives.

Vive la laïcité et vivent les réformes, mais allez donc convaincre les maronites de la nécessité d’abolir le confessionnalisme politique lorsqu'ils entendent Hassan Nasrallah les menacer dans une majestueuse suffisance du sort des chrétiens d’Iraq. C’est tout simplement, un appel au suicide.

Le système confessionnel libanais a depuis longtemps débouché sur une impasse. Le réformer est devenu un vœu pieux, l’abolir par la force, c’est la guerre civile assurée. Que faire alors ? Mais participer à la « Laïque Pride » pardi, chanter tout son soûl pour entretenir la chimère, puis s’en aller la queue basse en rêvant de "ravins crayeux et de riants coteaux » !