Friday, October 31, 2008














Adieu veau, vache, cochon, couvée


Il a raison de ronchonner, Walid Al-Mouallem. Tout avait été minutieusement préparé pour que sa visite à Londres soit un succès. Quelques ronds de jambe par ci, quelques courbettes par là et il rentrait au pays avec un petit bout de reconnaissance supplémentaire de la part d'une Europe devenue très peu regardante. Patatras ! Le raid américain vient tout balayer d'un seul coup. Adieu veau syrien, vache américaine, cochon français et couvée israélienne ! Les compteurs sont remis à zéro et tout le monde se perd en conjectures sur le "timing" et sur les retombées de cette frappe qui intervient en fin de règne d'une Administration américaine qui pendant de longues années n'avait pas jugé utile de mettre ses menaces à exécution.

Pour dissimuler son désarroi, notre bibendum décide de faire le matamore. La Syrie n'est pas contente, elle se fâche tout rouge et pourrait si elle le voulait "faire mal" aux États-Unis, ose-t-il éructer des profondeurs de sa graisse dégoulinante. "Agression terroriste" par ci, "acte barbare" par là, la masse informe retrouve toute sa verve diplomatique et déterre pour la circonstance le vocabulaire fleuri qui avait été enfoui sur les conseils du sherpa français. Qu'on se le tienne pour dit ! La Syrie n'a pas peur et le fait savoir (en fait, elle panique et appelle au secours). Aïe aïe aïe, mes aïeux ! Nous allons voir ce que nous allons voir !

Quelque temps plus tard, les représailles fusent. Tenez-vous bien ! Pour punir l'agresseur et venger l'honneur bafoué de la "capitale (autoproclamée) de la culture arabe", Assad ne trouve mieux à faire que de s'attaquer à la culture américaine. Pour une fois, les standards ont été scrupuleusement respectés. Quoi de plus normal, de plus naturel et de plus évident pour une dictature qui laisse croupir ses intellectuels en prison que de fermer une école et un centre culturel.

Et pour prouver qu'il était un Homme, un vrai (et non pas un demi qui obéit au doigt et à l'œil aux injonctions américaines), le tyran syrien dépêche sans tarder une missive "personnelle" à Ban Ki-Moon pour dénoncer la "violation dangereuse de la souveraineté syrienne" et le "terrorisme d'État de l'Administration américaine". Mais tout "homme" qu'il cherche à être, il ne va pas jusqu'à déposer une plainte. C'est ça, la "virilité" qui connaît ses limites et ne cherche pas à provoquer inutilement l'ire du fou de la Maison-Blanche.

On croit rêver tout de même ! Les Libanais, qui peinent à sortir de trente ans d'occupation et qui n'oublient pas les assassinats en cascade commandités par la dictature d'à-côté, ont du mal à digérer ce blabla incongru sur le "terrorisme d'État" et sur la "souveraineté violée". En dénonçant à l'unisson le raid américain contre le "pays frère" et en affichant une solidarité de façade, le chef de l'État, le Premier ministre et le Président de la chambre procèdent pour une fois de la même hypocrisie. Tous les trois avaient probablement le même souci: conjurer les foudres qui ne manqueraient pas de s'abattre sur leur pays en cas de changement de conjoncture. Dont acte.

Hypocrisie, pour hypocrisie, le communiqué de Fouad Siniora est de loin le plus savoureux: "Le raid américain constitue une violation de la souveraineté syrienne et une agression dangereuse, condamnable et inacceptable, quels que soient les prétextes avancés pour la justifier". Plus jésuite, tu meurs !

Aujourd'hui le régime syrien est à la croisée des dangers. Les manifestations qu'il organise sont directement proportionnelles à la panique dans laquelle il se débat. Plus elles sont nombreuses, plus le régime a peur. Plus les vociférations augmentent, plus l'inquiétude croît. Tout ce qu'Assad peut faire, c'est de s'accrocher à un espoir fallacieux qui a pour nom Barack Obama. Une course contre la montre est engagée, mais d'ici au 21 janvier 2009, date de sortie de Georges W, toutes les folies sont possibles.