Friday, February 11, 2011





















Lézardes dans le "malheur arabe"

18 jours seulement, presque un soupir en regard de l'histoire. 18 jours ont suffi pour mettre fin à 30 ans de peur, d'humiliation et de désespoir.

Pourquoi aujourd'hui ? Nul ne le sait et nul ne le saura jamais. Les historiens et les sociologues tenteront d'expliquer a posteriori et ils trouveront sans doute les raisons qui ont fait qu'en 2011 ce qui était tout simplement inimaginable soit devenu subitement possible. Mais le doute ne se résorbera pas pour autant. La pérennité des régimes de terreur a constitué depuis toujours une véritable énigme. On sait comment ils fonctionnent et comment ils se maintiennent, mais nul n'a jamais su prédire leur effondrement. Qu'est-ce qui détermine les peuples à bouger un jour pour renverser les tyrans et quelle est cette mystérieuse alchimie qui fait qu'à un instant donné la dynamique se met en branle ?

"Le peuple veut", ont répété les Egyptiens, et parce que le peuple a enfin voulu, ça a marché. C'est donc aussi simple que cela ? Eh bien oui, c'est aussi simple, tellement simple qu'on en reste complètement abasourdi.

Lorsque le peuple veut vivre,
Force est pour le destin de répondre,
Force est pour les ténèbres de se dissiper,
Force est pour les chaînes de se briser.

Aboul-Qacem Echabbi l'avait bien dit, mais il a fallu attendre 78 ans pour que cela devienne vrai. Le destin a voulu que la première étincelle parte de Tunisie comme pour prouver que les poètes sont les seuls vrais prophètes, qu'ils sont les seuls à pouvoir imposer au destin leur vision et la transformer en une réalité vraie.

Jusqu'à aujourd’hui, les Arabes n'avaient d'autre avenir que celui que leur destinait un millénarisme morbide. Les Tunisiens et les Egyptiens viennent de montrer que cet avenir n'est plus obstrué et que l'apanage des avancées démocratiques n'est plus réservé aux autres. Ce n'est qu'un premier pas, mais c'est un pas de géant.

Le peuple tunisien et le peuple égyptien ont voulu. Gageons que les Syriens, les Algériens, les Libyens et tous les autres peuples arabes voudront à leur tour. Gageons que ces premières lézardes dans le malheur arabe s'élargiront au point que l'espoir devienne enfin possible, qu'il s'y engouffre et s'y maintienne. Gageons aussi que les Libanais, qui sont meurtris d'avoir raté leur révolution, sauront un jour la reprendre pour la mener à bonne rive et pour dégorger la purulence qui macère au fond de leurs esprits depuis une éternité.