Monday, January 19, 2009
















Quand le "cave" se rebiffe !

À vrai dire, personne ne l'attendait sur ce coup. La surprise était d'autant plus grande qu'il s'était confortablement installé depuis sa prise de fonctions dans une espèce de "zone grise" à partir de laquelle il s'amusait à distiller précautionneusement ses boniments ennuyeux à l'intention des deux camps antagonistes et de leurs parrains respectifs. Ses démarches étaient calculées au millimètre et ses déclarations tout autant. Les nuances de la langue arabe aidant, il avait réussi à contenter tout le monde sans en offusquer aucun.

En parfait funambule, il devait pourtant savoir qu'un rien pouvait le faire trébucher et que les filets qu'il essayait de tisser pendant ses escapades diplomatiques ne lui seraient d'aucun secours si le dictateur d'à-côté ou ses acolytes locaux décidaient un jour de lui faire des crocs-en-jambe. La suspension de la trêve à Gaza est venue sonner le glas du ronron convenu dans lequel sombraient délibérément les Libanais. Le parti khomeyniste libanais, qui avait suspendu son coup d'état rampant après avoir sécurisé son arsenal et obtenu son tiers de blocage au gouvernement, pouvait reprendre son œuvre de sape des institutions à la faveur du carnage sacrificiel. Et Michel Sleiman de découvrir à son corps défendant que la vie n'était pas ce "long fleuve tranquille" sur lequel il pouvait ramer à sa guise à bord de sa barque "consensuelle".

Tout était parfaitement orchestré. D'abord, la manière douce pour tester la capacité de résistance du "Président de tous les Libanais". Hassan Nasrallah le "conjure" de "prendre ses responsabilités" et d'œuvrer pour arrêter le carnage. Pauvre Président ! Lui, arrêter le carnage ! Mais pour qui le prend-il cet hargneux enturbanné ? Imperturbable, Sleiman s'en tient à son jugement de Salomon et essaie une nouvelle fois de ménager la chèvre et le chou. La première salve arrive, dévastatrice. La Pravda du Hezbollah prend les devants et sous la plume de son tchékiste en chef, tire à boulets rouges sur le malheureux Président qui ne tarde pas, comme d'autres avant lui, à rejoindre la cohorte des "traîtres". Et pour que les choses soient parfaitement claires, le parti khomeyniste libanais organise une manifestation dont le but exclusif est de l'obliger à participer contre son gré à un sommet sans quorum au cours duquel les chantres d'Al-Mumana'a se réunissaient pour brailler tout leur soûl contre les Arabes (dits modérés et accessoirement sunnites) accusés de cautionner le carnage.

Le dos au mur, Michel Sleiman ne pouvait qu'obtempérer et en un rien de temps, il avale sa déclaration de la veille et s'embarque pour Doha pour faire de la figuration. C'est du moins ce qu'on attendait de lui. Et Patatras ! vlan ! pif ! paf ! boum ! Le cave se rebiffe ! Le Sleiman du "Fleuve Tranquille" est littéralement métamorphosé. Non seulement il rue dans les brancards, mais s'offre le luxe de bouffer du lion. Silence de mort au sommet, pendant que le président flegmatique égrenait de sa voix doucereuse sa "leçon de choses" politiques à tous les excités réunis. Son ami, le dictateur est sans voix et le Cheikh qatari de tous les râteliers ne croit pas ses oreilles. Un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages !

Poussé dans ses derniers retranchements, Michel Sleiman a donc décidé de croiser le fer ! Acte de bravoure ou témérité calculée, nul ne le sait. En tout cas, le gris n'est plus de mise. Ainsi en a voulu le parti khomeyniste. L'assaut contre le Président montre clairement, s'il en est, (c'était déjà clair, sauf pour les imbéciles) la nature profonde du projet hezbollahi. Peu importent les discours de circonstance, les détentes d'un jour ne sont que le prélude aux assauts à venir. On consolide les gains engrangés, on se met en veilleuse et l'on attend les circonstances propices pour une nouvelle poussée.

Le pauvre Président aurait bien voulu ne pas choisir son camp, mais on l'y a contraint. Le consensus est mort, vive la bipolarisation !