Sunday, December 17, 2006













Hassan Chami, le Janus malgré lui

Ou les égarements de l'équidistance factice.

Dans son article publié aujourd'hui dans le journal Al-Hayat, l'ami Hassan Chami se lamente longuement et à juste titre sur les effets dévastateurs de la polémique qui oppose aujourd'hui les deux camps au Liban. "Si ce n'était la crainte de voir le pays sombrer dans l'abîme, on aurait pu s'amuser à surveiller de près les techniques de cette polémique bruyante, propagandiste et mobilisatrice", dit-il. Tout cela est bien joli et marque une intention louable de la part d'un intellectuel néo-organique de se tenir à distance de la polémique et de formuler un avis objectif et raisonné de la situation.

En dépit de cette introduction prophylactique et non sans avoir déploré au passage les conséquences de cette polémique conflictuelle sur le développement de la "conscience malheureuse", il y plonge à son tour, mais pour se disculper à l'avance de toute accusation de partialité et pour amadouer ses contradicteurs potentiels, il commence par concéder que le récent discours de Hassan Nasrallah était empreint d'une "forte dose de colère et de tension". Cela nous fait une belle jambe !

En se livrant à un exercice d'énumération des contradictions et en prétendant se tenir à égale distance des protagonistes, Hassan Chami occulte la question essentielle ou, du moins, tente de la conjurer pour éviter d'appeler un chat un chat. Mais, les faits sont têtus et rien ne lui sert de recourir à des astuces sémantiques pour les travestir. Car, de quoi s'agit-il ? Nous sommes devant une opération de sape délibérée du système libanais, orchestrée par le Hezbollah pour les besoins de survie d'un régime despotique et criminel et pour le soutien d'un autre régime non moins despotique qui cherche à mener une guerre par procuration contre le Grand Satan américain.

Vouloir se draper d'une fausse innocence et présenter l'enjeu comme une simple revendication pour une meilleure participation au gouvernement revient tout simplement à prendre ses lecteurs pour des imbéciles.

Les deux visages de Janus ne sont point ceux qui sont présentés dans son argumentaire sophiste: une culture sociale pré-moderniste et nationaliste et une autre complaisante à l'égard des excès de la modernité et de ses produits. Ces deux visages opposent tout simplement une culture de mort et une volonté farouche de vivre en paix dans un pays dont l'archaïsme des structures risque réellement de le faire sombrer.

Outre ses deux visages, Janus est connu pour être le dieu des portes (de janua, porte en latin). A Rome, son temple principal a la particularité d'avoir les portes ouvertes en temps de guerre et fermées en temps de paix. Dans sa hâte, Hassan oublie de pousser l'exemple jusqu'au bout préférant ignorer la persistance maladive du Hezbollah à vouloir garder les portes ouvertes contre la volonté des Libanais.

L'imagination étant vagabonde, je me suis demandé en lisant son article si en évoquant les deux visages de Janus, Hassan Chami ne nous offre malgré lui un parfait exemple du lapsus calami dévoilant ainsi ses deux propres visages, l'un tourné vers la modernité et l'indépendance tandis que l'autre reste tellement rivé à sa communauté qu'il en oublie de dénoncer ses soi-disant défenseurs.