Tuesday, January 15, 2013




















Le miroir aux alouettes orthodoxe

Face à une démographie en déclin, un exode constant et une peur réelle ou supposée d'être engloutis dans affrontement généralisé entre sunnites et chiites, les chrétiens libanais semblent vivre leur désarroi comme une spirale sans fin. La perte progressive de leur rôle historique et leurs tentatives désespérées de rétablir vaille que vaille les prérogatives d'antan ne font qu'accentuer la confusion et rajouter à l'incertitude. Il n'est pas étonnant dès lors de les voir s'accrocher comme à une ultime planche de salut à la dernière imposture qui se fait jour au gré des calculs mesquins d'un populiste véreux.

La dernière de ces impostures est le projet de loi électorale dit orthodoxe qui voudrait que les électeurs de chaque communauté soient appelés à voter exclusivement pour les candidats membres de leurs communautés respectives, dans le cadre d'une circonscription unique et d'un mode de scrutin proportionnel. Ce projet avancé à l'origine par Elie Ferzli, suppôt notoire du régime syrien, avait comme seul but d'empêcher la victoire de l'opposition aux prochaines élections législatives. Mais de fil en aiguille, le projet a envahi les esprits au point de bousculer toutes les digues politiques érigées entre formations chrétiennes, subitement saisies de la même frénésie à vouloir imposer la parité totale avec les musulmans tout en sachant pertinemment que cette égalité parfaite détruirait les fondements mêmes sur lesquels le Liban a été bâti.

Ce qui avait commencé comme une manœuvre politique par Michel Aoun et par Samir Geagea pour prouver, chacun de son côté, être le meilleur défenseur des intérêts chrétiens s'est transformé en un immense piège qui s'est refermé sur les deux apprentis sorciers et dans lequel se sont précipitées à la queue leu leu toutes les formations chrétiennes qu'elles appartiennent au 8 ou au 14 mars. Quoi de plus séduisant en effet que de faire croire à leurs électeurs qu'ils pourraient enfin disposer de leur sort en élisant leurs propres députés sans l'apport d'aucun vote musulman ?

Aujourd'hui, aucune de ces formations ne peut plus reculer de peur d'être taxée par son électorat de brader les intérêts de la communauté toute entière. Et plutôt que de renoncer à leur projet, elles préféreraient sans doute qu'il soit rejeté par les musulmans dont elles veulent s'aliéner le vote. L'honneur sera sauf, et personne ne viendra les accuser de ne pas avoir tout tenté pour restaurer leur autonomie perdue. CQFD.

Ce miroir aux alouettes n'est que l'ultime variation d'une vieille antienne qui chantait naguère les charmes du fédéralisme ou pire encore ceux de l'enclavement dans un réduit chrétien quasiment sans ressources. Le leurre est grand, mais le désir d'y succomber demeure irrésistible.

Dum vitant stulti vitia in contraria currunt !