Thursday, August 9, 2012























La lettre alaouite à Léon Blum

L'Etat Alaouite, on ne parle plus que de ça ! S'agirait-il à nouveau d'une "remontée de l'histoire", dont parlait Dominique Chevallier en 1976 lors d'une conférence sur les origines de la guerre civile libanaise ?

Quoiqu'il en soit, ce ne serait pas une création ex nihilo. Rappelons, en effet, que pendant le mandat français en Syrie et au Liban (1920-1946), le général Gouraud, haut-commissaire de la république française, morcela la Syrie en plusieurs États autonomes dont un Etat Alaouite sans cesse redéfini jusqu'à sa réintégration définitive en 1936. C'est ainsi que furent créés successivement:

•    Le Territoire des Alaouites (1922-1924)
•    L'Etat des Alaouites (1924-1930)
•    Le Gouvernement de Lattaquié (1930-1936)

L'enthousiasme de la communauté alaouite ne tarda pas à se transformer en cauchemar lorsque la France décida, en 1936, de rattacher l’Etat alaouite au reste de la Syrie. Six notables alaouites envoyèrent une lettre* à Léon Blum, affirmant que leur communauté "refusait d'être annexée à la Syrie musulmane parce qu'en Syrie la religion officielle de l'État est l'islam, et selon l'islam les Alaouites sont considérés comme des infidèles."

S'appuyant sur les sympathies sionistes présumées de Léon Blum, les auteurs de la lettre font valoir que la persécution des Juifs en Syrie et en Palestine serait le sort réservé à toutes les minorités religieuses, si la population à majorité musulmane était autorisée à gouverner. Voici ce qu'ils écrivent:

"L'esprit de haine et de fanatisme intégré dans le cœur des Arabes musulmans contre tout ce qui est non-musulman a été perpétuellement nourri par la religion musulmane. Il n'y a aucun espoir que la situation puisse un jour changer. Par conséquent, l'abolition du mandat fera exposer les minorités en Syrie aux dangers de mort et d'anéantissement, indépendamment du fait que cette abolition contribuera à anéantir la liberté de pensée et de croyance ....
On sent aujourd'hui comment les citoyens musulmans de Damas forcent les juifs qui vivent parmi eux à signer un document promettant de ne pas accorder leur soutien à leurs infortunés frères de Palestine. La condition des Juifs en Palestine constitue la preuve la plus forte et la plus explicite de l'hostilité islamique vis-à-vis de ceux qui n'appartiennent pas à l'islam. Ces bons juifs ont apporté aux Arabes la civilisation et la paix et établi la prospérité en Palestine sans nuire à personne et sans prendre quoi que ce soit par la force, alors que les musulmans ont déclaré la guerre sainte contre eux et n'ont jamais hésité à massacrer leurs femmes et les enfants."

La coalition des minorités n'est pas une chimère et les calculs d'un Michel Aoun ne reposaient pas que sur du vent. Plus on est de fous, plus on rit !

* Lettre révélée dans le livre de Brooke Allen: The Other Side of the Mirror: An American Travels Through Syria, dont on peut lire ici le compte-rendu par The New York Review of Books.