Friday, October 21, 2011












Dans la « Zanga » de l'Histoire

« J'ai vu les hommes, à la tête laide et aux yeux terribles enfoncés dans l'orbite obscure, surpasser la dureté du roc, la rigidité de l'acier fondu, la cruauté du requin, la fureur insensée des criminels, les trahisons de l'hypocrite, les comédiens les plus extraordinaires…

Je les ai vus tous à la fois, tantôt, le poing le plus robuste dirigé vers le ciel, comme celui d'un enfant déjà pervers contre sa mère, probablement excités par quelque esprit de l'enfer, les yeux chargés d'un remords cuisant en même temps que haineux, dans un silence glacial, n'oser émettre les méditations vastes et ingrates que recélait leur sein, tant elles étaient pleines d'injustice et d'horreur…

Je les ai vus aussi rougissant, pâlissant de honte pour leur conduite sur cette terre; rarement. Tempêtes, soeurs des ouragans; firmament bleuâtre, dont je n'admets pas la beauté; mer hypocrite, image de mon coeur; terre, au sein mystérieux; habitants des sphères; univers entier; Dieu, qui l'as créé avec magnificence, c'est toi que j'invoque: montre-moi un homme qui soit bon !... Mais, que ta grâce décuple mes forces naturelles; car, au spectacle de ce monstre, je puis mourir d'étonnement: on meurt à moins. »

Isidore Ducasse
Les Chants de Maldoror
Chant 1, Strophe 5